ISBN-13: 9781515357087 / Francuski / Miękka / 2015 / 460 str.
ISBN-13: 9781515357087 / Francuski / Miękka / 2015 / 460 str.
Extrait chapitre I Nointel etait un garcon methodique. La vie militaire l'avait accoutume a faire chaque chose a son heure, et a ne rien enchevetrer. Au regiment, apres le pansage et la man uvre, le capitaine redevenait homme du monde et meme homme a succes, car dans plus d'une ville de garnison il avait laisse d'imperissables souvenirs, et on y parlait encore de ses bonnes fortunes. Depuis sa sortie du service, il avait continue a pratiquer le meme systeme, en faisant toutefois une plus large part a l'imprevu, qui joue un si grand role dans l'existence parisienne. Son temps etait regle comme s'il eut ete surcharge d'affaires. Il en consacrait bien les trois quarts a la flanerie intelligente, celle qui consiste a se tenir au courant de tout, sans remplir une tache determinee; le reste appartenait aux devoirs sociaux, aux relations amicales, et meme a des liaisons plus ou moins dangereuses, mais passageres. Il n'avait pas renonce a voyager au pays de Tendre, seulement il ne s'y attardait guere et il en revenait toujours. L'aventure de Gaston Darcy etait survenue dans un moment ou son c ur se trouvait en conge de semestre. Il avait saisi avec joie l'occasion d'occuper son des uvrement et de venir en aide au plus cher de ses amis. Depuis quarante-huit heures, il appartenait tout entier a la defense de Berthe Lesterel; il s'y etait devoue corps et ame, il menait les recherches avec le meme zele et le meme soin qu'il aurait dirige une operation de guerre, il avait pris gout au metier, et la campagne s'annoncait bien. Le bouton de manchette trouve par la Majore, les recits de Mariette et les confidences de M.Crozon: autant de positions prises dont il s'agissait de tirer parti contre l'ennemi. L'ennemi, c'etait la marquise de Barancos, un ennemi qu'il y avait plaisir a combattre, car il etait de force a se defendre, et Nointel se faisait une fete de lutter de ruse et d'adresse avec ce seduisant adversaire, de le reduire par des man uvres savantes, et finalement de le vaincre. Ses batteries etaient pretes, et il ne demandait qu'a commencer le feu. Mais il pouvait disposer de quelques heures avant d'engager l'action, et il entendait les employer a sa fantaisie. Or, il avait l'habitude d'aller, entre son dejeuner et son diner, fumer quelques cigares au billard du cercle. Il aimait a y jouer et presque autant a y voir jouer, car son esprit d'observation trouvait a s'exercer en etudiant les types curieux et varies qui venaient la de quatre a six cultiver le carambolage. Il jugea qu'apres avoir consacre un bon tiers de sa journee a servir la cause de l'innocence et de l'amitie, il avait bien gagne le droit de s'offrir sa recreation favorite. La marquise ne recevait qu'a cinq heures, et il n'avait pas besoin de rentrer chez lui pour s'habiller, son groom ayant ordre de lui apporter au cercle une toilette mieux appropriee a une visite d'avant-diner que la tenue d'enterrement qu'il portait depuis le matin. Du reste, il n'esperait pas revoir le baleinier ce jour-la, car le correspondant anonyme qui troublait depuis trois mois le repos du malheureux marin lui faisait l'effet de ne pas etre tres sur de ce qu'il avancait, et il doutait que ce correspondant en vint si vite a nommer l'amant de madame Crozon."