ISBN-13: 9781515356622 / Francuski / Miękka / 2015 / 422 str.
ISBN-13: 9781515356622 / Francuski / Miękka / 2015 / 422 str.
Extrait chapitre I C'est une histoire d'hier. Le boudoir etait tendu de soie bouton d'or, parce qu'elle etait brune, cette merveilleuse Julia d'Orcival qui tenait si bien son rang a la tete du grand etat-major de la galanterie parisienne. Un feu clair brulait dans la cheminee, garnie de chenets LouisXVI, des chenets authentiques ou s'etaient poses les petits pieds des belles du Versailles d'autrefois. La lueur adoucie d'une lampe en porcelaine du Japon eclairait le reduit capitonne ou n'etaient admis que les intimes. On n'entendait pas d'autre bruit que le roulement lointain des voitures qui descendaient le boulevard Malesherbes, et le murmure de l'eau bouillante qui chantait sa chanson dans le samovar de cuivre rouge. Pourtant, Julia n'etait pas seule. Pres d'elle, a demi couchee sur une chaise longue, un jeune homme, plonge dans un vaste fauteuil, tortillait sa moustache blonde, et regardait d'un il distrait une terre cuite de Clodion, representant des Bacchantes lutinees par des Faunes. L'elegant cavalier ne songeait guere a cette uvre d'art, pas plus que la dame ne songeait au splendide tableau de Fortuny qui rayonnait en face d'elle, et qu'elle avait paye une somme folle. Et s'ils se taisaient, ce n'etait pas qu'ils n'eussent rien a se dire, car ils s'observaient a la derobee, comme deux adversaires d'egale force s'observent avant d'engager les epees. Un viveur experimente aurait juge a premiere vue qu'entre ces amoureux il allait etre question de choses serieuses. Un auteur dramatique aurait flaire une situation. Ce fut Julia qui attaqua la premiere. -Gaston, dit-elle en feignant d'etouffer un baillement, vous etes lugubre ce soir. -Il y a des jours ou j'ai des idees noires, repondit Gaston. -Pourquoi pas des vapeurs, comme une jolie femme -Je puis bien avoir des nerfs. -Oui; mais quand vos nerfs sont agaces, il serait charitable de ne pas contraindre votre amie de c ur a s'enfermer avec vous. -Oh s'enfermer -Parfaitement, mon cher. Vous savez tres bien que le lundi est mon jour d'Opera, et vous me faites dire ce matin par votre valet de chambre que vous avez resolu de me consacrer votre soiree. J'obeis sans murmurer a mon seigneur et maitre. J'envoie ma loge a Claudine Rissler qui y amenera, je le crains, des gens de mauvaise compagnie; je pousse le devouement jusqu'a preparer de mes blanches mains ce the vert que vous aimez tant; je me fais coiffer a votre gout, quoique les cheveux releves m'enlaidissent, et j'attends mon Gaston en revant de papillons bleus. Patatras Gaston arrive avec une figure d'enterrement. Voyons, mon cher, qu'avez-vous? Si vous jouiez a la Bourse, je croirais que vous venez d'y perdre toute votre fortune, entre midi et trois heures. Ce discours, commence sur un ton assez aigre, finissait presque affectueusement, et Gaston ne pouvait guere le prendre de travers; mais le sourire que les doux reproches de Julia amenerent sur ses levres n'etait pas de bon aloi. On aurait jure que le jeune amoureux regrettait d'avoir manque l'occasion d'une querelle. -Vous avez raison, dit-il, je suis insupportable, et je meriterais que vous me missiez a la porte. Que voulez-vous Ce n'est pas ma faute si la vie que je mene m'ennuie. -Bon voila maintenant que vous me dites une impertinence. -Pas du tout. Je parle de ma vie de des uvre, de cette existence qui se depense au Cercle, aux premieres, aux courses. -Et chez Julia d'Orcival. -De la vie que mon ami Nointel appelle la vie au gardenia, reprit Gaston sans relever la pierre que la dame venait de jeter dans son jardin. -A propos de gardenia, vous savez que c'est ma fleur de predilection. Est-ce votre ami Nointel qui vous a conseille de ne pas m'envoyer de bouquet ce soir? -Nointel ne me donne pas de conseils, et, s'il m'en donnait, je ne les suivrais pas. -P"