ISBN-13: 9781517353964 / Francuski / Miękka / 2015 / 182 str.
ISBN-13: 9781517353964 / Francuski / Miękka / 2015 / 182 str.
Extrait OU CELA MENE La voila bien, la vanite humaine Ah que la voila bien Shakespeare. C'etait l'autre soir au cafe Anglais - un diner un peu triste, car il s'agissait de faire nous adieux a Isidore Boujard, ruine en un rien de temps par Sylvia de Frosnes, apres avoir ete pendant pres de deux annees un de nos plus joyeux compagnons de fete. -Alors, demanda l'un de nous c'est decide, vous partez pour San Francisco? -Oui, mon bon. Je vais essayer la-bas je ne sais quel commerce de vente de b ufs et de chevaux avec les quelques billets de mille francs - une dizaine pas plus - qui restent des six millions laisses par papa Boujard. Ah ca a vite file. -Mais, objecta Berthecourt, expliquez-nous un peu ce coup de folie. Sylvia est agreable sans doute... cependant, saperlipopette, six millions, c'est une somme. -Ah mes amis, c'est que vous ne connaissez pas la puissance de l'amour-propre, de la vanite chatouillee au bon endroit. Je pourrais commencer mon histoire par la phrase classique: Ne d'une naissance obscure, et ces quatre mots seraient l'explication de tout mon roman. -Explique-toi. -Oh c'est bien simple. Vous autres vous avez eu la chance de naitre avec un nom, un titre, ou tout au moins une excellente position sociale. Moi, j'etais simplement Boujard, Isidore Boujard, fils et successeur de Francois Boujard, inventeur du sommier automatique - une invention merveilleuse qui avait permis au papa de me laisser une fortune considerable. Aussi, des que j'atteignis vingt et un ans, je n'eus rien de plus presse que de vendre la boite a papa, ce qui etait une grosse faute, de realiser mon avoir, et de me lancer dans ce qui s'appelle la grande vie. Que voulez-vous? A cet age-la, tout le monde ne peut pas se faire fourrer a la Conciergerie. On se montra tres aimable pour moi, je fus bien accueilli, et vous-memes, mes amis, qui etes ici reunis ce soir pour me faire gentiment vos adieux, vous n'y seriez peut-etre pas si j'avais continue le negoce paternel... mais la n'est pas la question. Tout cela c'est seulement pour vous expliquer mon emotion tres naive, tres sincere lorsque certain soir a minuit je fus autorise a franchir le seuil du coquet petit hotel que Sylvia de Fresnes occupait rue de Bassano. En depit de mes millions je me sentais un peu intimide a l'idee de posseder enfin cette hetaire de grande marque qui frayait sur un pied d'egalite hautaine avec les princes et meme avec les tetes couronnees. Precede par la cameriste anglaise, tres correcte avec son col droit et ses bandeaux tout plats a la vierge, je soulevai une portiere en cachemire de l'Inde fond bleu turquoise, richement brodee d'argent, et je me trouvai dans un boudoir tout tendu d'une soierie creme tissee d'or. Et ma vue ravie allait d'un petit bureau regence en bois de violette, avec ecoincons et moulures, a l'armoire a trois portes garnies de glaces biseautes, avec colonnes detachees et fronton a feston de rubans. Et la chaise basse en satin bleu saphir, orne de riches broderies, travail ancien et reapplique Et le chiffonnier en bois laque blanc, avec filets verts, et, dans un coin, le vaste lit de repos recouvert d'une tenture de peluche orientale, avec des multitudes de coussins gaines de peluche rouge Et surtout, sur la table-duchesse, le necessaire de voyage, compose de quarante-deux pieces en vermeil cisele et grave, enrichi de plaques portant fierement la devise de Sylvia: Ceinture doree vaut mieux que bonne renommee -Monsieur peut faire sa toilette ici; madame l'attend dans sa chambre a coucher. Mais, auparavant, monsieur desire-t-il, pour la nuit, une des chemises de monseigneur? -Oui, s'il vous plait, repondis-je d'un air detache."