ISBN-13: 9781508746317 / Francuski / Miękka / 2015 / 354 str.
Extrait: Donc, Bassens etait en fete: la foule endimanchee emplissait les chemins de rires et de chansons. Le pre de vogue, entoure de tentes blanches faites avec des pieux et des draps de lit, etait en outre couvert de groupes de promeneurs venus de la ville et des communes environnantes. Aux deux extremites du verger immense, sous de larges pommiers branchus, des violons criards et des tambours d'occasion, marquaient la mesure aux danseurs qui avaient quitte veste et gilet pour etre plus a l'aise. Au bout de quelques heures de ce plaisir fait de vacarme et de mouvement, les promeneurs devinrent plus rares; chacun songeait au retour. Nous dumes partir les premiers, bien a regret, et non sans nous etre fait prier longtemps. L'autorite maternelle nous contraignit, en fin de compte, a reprendre le chemin du Chaffard, ou nous arrivames a la grande nuit, dormant d'un il et tirant d'une jambe, la tete bourdonnante encore de musique, de cris, de rires et de chansons. Les deux semaines qui suivirent ce dimanche-la, se passerent sans incidents. L'ouvrage pressait; la fin de la moisson, tres en retard cette annee-la, et le fauchage des regains occupaient tous les bras. C'etait un grand entrain a la ferme et partout. Comme nous aimions ces temps de moisson et de fenaison Partis, des le matin, avec une troupe quelconque d'ouvriers, choisissant de preference la plus nombreuse, nous ecoutions avec un plaisir indicible les contes, les chansons, les mille cancans bavards des travailleurs insouciants. C'etait la que se repandaient tous les bruits, toutes les medisances, les nouvelles du canton; chacun apportait sa part de reflexions malignes, et les rires payaient amplement la peine des conteurs. Ce fut dans une de ces reunions de bonnes langues que nous apprimes les motifs de l'altercation qui avait eu lieu entre Lallo et ses parents: il s'agissait, en effet, d'une fantaisie de coquetterie de Marianne. Sachant que son cousin devait aller a la ville, le dimanche matin, pour des commissions pressees, elle l'avait charge de lui rapporter une coiffe neuve commandee en vue de la vogue, ou elle se promettait de briller au bras du beau garcon. Cette coiffe, elle l'avait revee bien belle, bien riche, capable de faire rager Marie Guedioz et Rosalie Vitton, capable d'exciter la sainte colere de la prieure et l'envie de toutes ses compagnes. Aussi etait-ce un secret que cette commande. Lallo seul devait etre mis dans la confidence, car seul, il avait assez d'amour pour pardonner cette faiblesse. Donc, c'etait entendu: son cousin laisserait partir Fanny avec le pain benit, et s'en irait bien en cachette chez la marchande, laquelle avait jure solennellement que tout serait pret a l'heure. Mais on sait ce qu'est un serment de modiste. Quand Lallo vint lui reclamer la coiffe promise, c'est a peine si elle l'avait commencee. L'amoureux, sachant ce qui l'attendait au retour s'il arrivait les mains vides, declara qu'il ne partirait pas sans avoir le bonnet. Bien lui en prit: une heure apres, il repassait au pas de course le pont de la Garatte en emportant le precieux paquet. Mais le temps s'etait ecoule, et Marianne n'avait pu se rendre a la messe ce jour-la. Apres l'evenement, etaient venus les commentaires. Toutes celles que la toilette du Quinsonnet avait eblouies ou ecrasees, ne tarissaient pas de propos malveillants: - Le bon Dieu ne pouvait point benir une fille qui avait le c ur de danser un jour ou elle avait manque aux offices... Et on verrait bien..., et cela ne finirait pas ainsi... Enfin, tout le monde la dechirait a belles dents."