ISBN-13: 9781519349712 / Francuski / Miękka / 2015 / 132 str.
Chapitre 1 Sur la terrasse de la villa Werekiew, - la Folie Werekiew, comme on l'appelait depuis la ruine du prince, - les invites se pressaient les uns apres les autres. La fete que donnait la jeune comtesse de Nancay, la locataire actuelle de cet etrange palais de marbre, construit par une fantaisie de maniaque a une heure de Florence, se trouvait coincider avec la plus lumineuse, la plus fraiche journee du printemps nouveau. Un ciel d'un bleu intense enveloppait la campagne semee d'oliviers pales et de cypres noirs, ou d'autres villas surgissaient par intervalles. Tres au loin, l'ondulation des collines laissait apparaitre le dome de la vieille cite toscane, le Campanile, et, a l'extremite de l'horizon, l'eau de l'Arno luisait au soleil parmi la verdure des Cascines, comme une plaque de metal brisee en morceaux epars. Cent personnes environ allaient et venaient, les unes en plein air, les autres sous la large tente dressee a l'une des extremites de la terrasse et qui abritait une grande table chargee de tout l'appareil du gouter parmi des touffes de fleurs. En face de cette tente, quatre musiciens napolitains chantaient des airs de leur pays. Ils etaient gras, luisants, vetus d'une maniere a la fois sordide et pretentieuse, avec des pantalons et des jaquettes donnes par quelque genereux dilettante, des cravates de couleur vive, des bagues ou flamboyaient de grosses pierres fausses, et ils portaient des chapeaux de haute forme. L'un touchait de la mandoline, deux tenaient le violon et le quatrieme le violoncelle. Et ils chantaient avec une ardeur infatigable, non pas comme des mercenaires, mais pour eux, pour le plaisir de donner de la voix, exagerant la mimique des paroles prononcees. Quelquefois l'un d'eux dansait en mesure, et les melodies populaires paraissaient plus chaudes, plus vibrantes sur cette terrasse, devant la facade claire de la maison, au bord de ce jardin ou fremissaient des lilas, ou des statues brillaient, blanches parmi les premieres verdures si tendres. Mais l'assemblee de gens du monde qui se trouvait la, toute melee d'hommes et de femmes de dix nationalites differentes, comme il arrive dans cette Cosmopolis qui est Florence, - continuait son papotage de chaque jour. Paul Bourget, ne a Amiens le 2 septembre 1852 et mort a Paris le 25 decembre 1935, est un ecrivain et essayiste catholique francais issu d'une famille originaire d'Ardeche. Ayant donne le signal d'une reaction contre le naturalisme en litterature, Bourget est d'abord tente par le roman d'analyse experimental. La finesse de ses etudes de m urs et de caracteres seduit le public mondain qu'il frequente dans les salons parisiens de la Troisieme Republique. Ses premiers romans - Cruelle enigme (1885), Un crime d'amour (1886) et Mensonges (1887) - ont ainsi un grand retentissement aupres d'une jeune generation en quete de reve de modernite. Le romancier change ensuite de direction et s'oriente a partir du roman Le Disciple (1889), considere comme son uvre majeure, vers le roman a these, c'est-a-dire le roman d'idees. Il ne se contente plus de l'analyse des m urs mais en devoile les origines et les causes, soumises a des lois ineluctables et dont la transgression amene tous les desordres individuels et sociaux. Cette nouvelle voie conduit Paul Bourget a ecrire des romans davantage psychologiques: L'Etape (1902), Un divorce (1904) et Le Demon de midi (1914). Il est alors influence dans son engagement litteraire et dans son orientation romanesque par sa conversion au catholicisme et tente une synthese entre la science et la foi. L'ecrivain est amene a appliquer son talent de romancier psychologue et moraliste aux problemes sociaux, politiques et religieux de son temps de ce debut de XXesiecle."