ISBN-13: 9781507749425 / Francuski / Miękka / 2015 / 200 str.
ISBN-13: 9781507749425 / Francuski / Miękka / 2015 / 200 str.
Je sens que j'aimerais vivement la gloire, si je parvenais a me guerir d'un autre amour. Il y a la gloire militaire, la gloire litteraire, la gloire des orateurs dans les Republiques. J'ai renonce a la premiere parce qu'il faut trop se baisser pour arriver aux premiers postes, et que ce n'est que la que les actions sont en vue. Je ne suis pas savant, il ne faut donc pas penser a la deuxieme. Reste la troisieme carriere, ou le caractere peut en partie suppleer aux talents. Et ce n'est que dans des circonstances rares que le peuple a besoin de vous, et vous pouvez mourir calomnie, et tant de gens sans talents ou sans vertu ont paru dans la lice, qu'il faut un bien grand genie pour etre a l'abri du ridicule. Voila les obstacles. (...) Pour le moment, je me jette au milieu des evenements avec un c ur pur. Je tacherai d'acquerir des talents, je vivrai solitaire avec mon ame et mes livres, et j'attendrai pour voguer que le vent vienne enfler mes voiles. Je sais bien que dans un moment de raison je pourrais prendre un etat; mais je ne sens pas la constance necessaire pour le suivre, et il faut eviter de paraitre inconsequent. Voila ou j'en suis, mon cher Edouard. Je compte etre a Paris dans trente ou quarante jours. J'y etudierai la politique et l'economie publique, science qui me parait la base de l'autre dans un siecle ou tout se vend. Donnez-moi tous les details possibles sur votre futur voyage et surtout eclairez-moi de vos conseils. Bonsoir, si vous ne dormez pas. Lettre a Edouard Mounier, janvier-fevrier 1804. Vous n'avez d'idee des tourments que je souffre depuis quatre jours, le pire de tous est de n'oser vous en decouvrir la cause de peur de me paraitre indiscret, impertinent ou meme jaloux. Vous savez trop si j'ai quelques droits de l'etre. Quant aux premieres imputations, si vous ne m'aimez absolument pas plus que M. de Saint-Victor, je dois vous paraitre tout cela, et vous jetez ma lettre au feu; mais si, au contraire, j'ai pu vous inspirer un peu d'amour ou meme de pitie, vous songerez que je suis seul, retenu loin de vous, isole au milieu d'etres qui ne peuvent comprendre les chagrins qui m'agitent, ou qui, s'ils les comprenaient, ne le feraient que pour s'en moquer. Vous savez bien si je veux vous deplaire. Si j'etais encore dans le temps ou je jouais un role je n'aurais pas toutes ces agitations, je saurais bien distinguer ce que je puis me permettre, mais ici ce qui me semble raisonnable et naturel, un moment, me parait impertinent et trop hardi le moment d'apres; dix fois depuis que j'ai commence ma lettre, je l'ai interrompue, et je n'ecris pas une phrase sans me repentir a la fin de l'idee que j'ai entrepris de vous exprimer au commencement. Dans les autres inquietudes que j'ai eues en ma vie, a force de reflechir, je voyais plus nettement la difficulte, et parvenais a me decider; ici, plus je pense, moins je vois. (...) Le pire des tourments est cette incertitude; d'abord, ce qui m'inquietait, etait de savoir si vous voudriez me repondre; actuellement, c'est de savoir si vous souffrirez ma lettre. Il me semble que vous me haissez, je relis toutes vos lettres en un clin d' il, je n'y vois pas la moindre expression, non pas d'amour, je ne suis pas si heureux, mais meme de la plus froide amitie. Je n'ai pas meme gagne dans votre c ur d'y etre comme Lalanne. J'aimerais mieux tout que cela. Ecrivez-moi tout bonnement. Ne vous imaginez pas que je vous aie jamais aime ni que je vous aime jamais. Aidez-moi, je vous en supplie, a me guerir d'un amour qui vous opportune, sans doute, et qui, par la, ne peut faire que mon malheur; daignez me dire une fois ouvertement, ce que vous me dites dans toutes vos lettres sans l'exprimer. Actuellement que je les relis froidement et de suite, je crois que vous avez du vous etonner de ce que j'ai ete si longtemps a entendre un l"