ISBN-13: 9781508724445 / Francuski / Miękka / 2015 / 474 str.
En art, nul homme en France n'a ete si pres de la perfection que Talma. En politique, peu d'hommes ont vu ce qu'il a vu; ami de Chenier, de David, de Danton et de Camille Desmoulins, il a ete un des familiers de Napoleon. En litterature, il avait tout lu, tout etudie, tout compris: aussi sa popularite fut-elle grande. Cette popularite, vingt ans ne l'ont pas detruite. Prononcez le nom de Talma dans le salon du faubourg Saint-Germain, ou dans l'atelier du faubourg Saint-Antoine, et ce nom eveillera les memes souvenirs, excitera les memes sympathies. C'est qu'il avait les qualites que nul autre n'avait offertes avant lui a l'enthousiasme du public, la simplicite et la grandeur, la familiarite et la poesie. Puis il possedait encore au supreme degre l'attraction si puissante de la voix et du visage. Talma en effet avait en lui les qualites qu'il apportait au theatre. Il etait d'un esprit simple quoiqu'etendu; c'etait en quelque sorte une etoffe qu'il fallait deplier, etendre et secouer pour en voir les magnifiques broderies. C'etait surtout quelque chose de merveilleux que les souvenirs de Talma. Ne pendant le dernier quart du dernier siecle, il pouvait relier une epoque a une autre. Il avait vu mourir Voltaire, cette torche; passer Chateaubriand, ce flambeau; naitre Hugo et Lamartine, ces deux etoiles. Son regard dans le passe plonge jusqu'a la monarchie de Louis XIV. Son regard dans l'avenir s'etend jusqu'a la royaute de Louis-Philippe. Toute grandeur s'est approchee de lui, ou l'a rapproche d'elle. Ses mains ont touche un vrai sceptre, sa tete, porte une vraie couronne, ses epaules, soutenu un vrai manteau imperial. Celui a qui Lekain avait appris a jouer Auguste, apprit a Bonaparte a jouer Napoleon. Seul, peut-etre, parmi tous les grands artistes du monde, Talma n'a jamais vu son talent, non seulement s'affaiblir, mais stationner du jour de son debut au jour de sa mort. Son genie a grandi incessamment. Le jeune homme qui jouait Seid n'avait pas donne plus d'esperance que n'en realisait le vieillard qui jouait Charles VI." Alexandre Dumas. Extrait: "J'etais trop jeune, lorsque cinq ans auparavant j'avais quitte Paris, pour avoir visite un spectacle quelconque autre que Polichinelle ou les Ombres-Chinoises; j'etais trop jeune encore pour avoir vu Garrick, qui, a cette epoque, portait le sceptre tragique en Angleterre, ou, l'ayant, vu pour m'en souvenir. J'arrivais donc chez M. Verdier pur de toute idee theatrale, lorsqu'un an apres mon entree dans l'etablissement, une grande nouvelle commenca d'y circuler. M. Verdier avait compose une tragedie intitulee Tamerlan. Il etait question de representer cette tragedie a la solennite des prix. Les roles, tout naturellement, devaient etre distribues aux eleves. Comme j'etais un des plus jeunes, je n'avais aucun espoir de faire partie de la distribution, et je ne sais pourquoi, a cette idee que je ne jouerais pas dans cet ouvrage, mon c ur se serrait. D'ou venait ce serrement de c ur, a moi qui n'avais jamais arrete mon jeune esprit sur de pareilles pensees? Aussi ma joie fut grande lorsque j'appris que je faisais partie des elus. J'attendis avec une grande impatience le jour de la distribution, non pas des prix, mais des roles. Celui qui m'echut en partage etait approprie a ma taille et a l'importance de ma position au theatre. C'etait celui d'un simple confident, lequel, apres une vingtaine de vers semes dans le cours de la piece, avait a raconter la mort de son ami, condamne comme Titus par un pere inexorable. Le commencement du recit allait passablement, et j'avais deja ete encourage par quelques applaudissements, lorsque je me penetrai si profondement de la situation que, me laissant envahir par une douleur reelle, ma voix s'altera. J'eclatai en sanglots et m'evanouis. Pendant cet"