ISBN-13: 9781500164560 / Francuski / Miękka / 2014 / 188 str.
EXTRAIT: Chapitre I TA-KIANG SE REVOLTE CONTRE LA TERRE Nul n'ignore que si l'ombre d'un homme prend la forme d'un dragon qui suit humblement les pas de son maitre, cet homme tiendra un jour dans sa main la poignee de jade du sceptre imperial. Mais nulle bouche ne doit s'ouvrir pour reveler le miracle qu'ont vu les yeux; car la destinee serait renversee et une nuee de malheurs descendrait du ciel. C'etait dans le grand champ de Chi-Tse-Po, a trente lis de Pei-King. Le vent de la troisieme lune secouait les arbres, les arbres peu nombreux, car il n'y avait qu'un orme dans ce champ, a cote d'un neflier. Vers l'orient s'elevaient les dix etages retrousses d'une pagode au dela de laquelle apparaissait une pagode encore, plus vague et plus lointaine. C'etait tout; l' il pouvait s'emplir d'espace et arriver sans halte a la ligne vaporeuse et rose de l'horizon. Sous le neflier un homme etait assis, riant a la lumiere qui blanchissait la plaine d'un bout a l'autre, sans intervalle ni hesitation, et parfois grelottant un peu malgre les trois robes somptueuses dont il etait vetu; car le soleil des jours de printemps rechauffe beaucoup moins qu'il n'eclaire, et les retours de froidures sont les plus sensibles au corps, comme le reproche de celui qu'on croyait ami blesse le c ur plus douloureusement. Cet homme, jeune encore et d'agreable mine, etait singularise au plus haut point par l'extreme mobilite de ses traits qui ne laissaient aucun sentiment inexprime, se tendant, se ridant, s'allongeant ou s'epanouissant sous les diverses influences d'un esprit sans doute tres prompt; ses petits yeux, que tour a tour couvraient et decouvraient des paupieres clignotantes, roulaient avec tant de vitesse tant de pensees joyeuses, malignes ou bizarres, qu'ils faisaient songer par leur palpitant eclat au miroitement du soleil sur l'eau; et sa bouche bien faite, toujours entr'ouverte par quelque sourire, laissait voir deux rangees de jolies dents blanches, gaies de luire au grand jour et de meler leurs paillettes claires aux etincelles du regard. Tout cet etre etait delicat, fluet; on pressentait des dexterites infinies dans la frele elegance de ses membres; il devait monter aux arbres comme un singe et franchir les rivieres comme un chat sauvage; ses petites mains etroites, un peu maigres, aux ongles plus longs que les doigts, etaient certainement capables de tisser des toiles d'araignees ou de broder une piece de vers sur la corolle d'une fleur de pecher."