ISBN-13: 9781519348937 / Francuski / Miękka / 2015 / 534 str.
MONSIEUR ET BIEN EXCELLENT AMI, Vous venez de donner a votre beau livre de Louis XVII une suite digne de lui, en publiant l'histoire de Madame Elisabeth. Madame Elisabeth, cette sainte, cette noble et douce figure, la plus touchante peut-etre de toutes les victimes de la Revolution, n'avait pas ete jusqu'ici assez etudiee ni connue. Son role secondaire, la reserve modeste ou elle se renferma toujours, le devouement qui enveloppa toute sa vie, l'avaient trop laissee dans l'ombre: on n'avait pas vu d'assez pres, ni dans le detail, ce qu'etait cette nature, ce c ur, cette ame, cette vie. L'ouvrage que vous nous donnez, et que vous avez ecrit avec cette surete de recherches qui caracterise tous vos travaux historiques, sera sur cette Princesse une veritable revelation. Sans doute cette revelation ne jettera point sur sa memoire l'extraordinaire eclat que Marie-Antoinette recut tout a coup de la decouverte de ses lettres authentiques. La fille de Marie-Therese etait d'une nature plus brillante, plus rare, on peut le dire, plus royale, que la s ur de Louis XVI; car, quel qu'ait pu etre, dans sa premiere jeunesse, son gout pour les fetes de la cour, rien n'etait moins frivole au fond que cette Reine: et quand elle fut touchee par le malheur, on la vit s'elever tout a coup aux plus hautes sublimites de l'heroisme, et trouver tout naturellement, dans son c ur et sur ses levres, de ces mots ou l'on sent tout a coup l'accent d'une grande ame. Madame Elisabeth etait d'autre trempe. Esprit moins eleve, moins etendu, moins penetrant peut-etre, mais d'un tres-grand et tres-vif bon sens; nature impetueuse, mais dominee et domptee par la piete; si innocente et si pure, que la calomnie n'osa jamais s'y attaquer: la piete s'empara d'elle, si je puis ainsi dire, et fut l'inspiration, la grande force de sa vie. Et des lors Madame Elisabeth devint une sainte, et c'est la saintete qui eleva son ame a des hauteurs ou la nature seule n'eut jamais pu la faire monter. L'amitie, ou, apres Dieu, elle se refugia et se concentra tout entiere, suffit a son c ur. Ses lettres temoignent a quel point elle fut tendre et fidele a ses amies. Et quand vinrent pour sa famille les grandes epreuves, son affection pour le Roi son frere, pour la Reine, pour son neveu, pour sa niece, devint ce devouement qui fera a jamais la plus belle gloire de cette Princesse. Quoique placee en dehors des evenements, et nullement melee a la politique, elle vit d'un coup d' il etonnamment sur la marche des choses, et ne se fit aucune illusion sur le sort qui l'attendait elle-meme, si elle restait aupres de son frere; et elle y resta: rien ne l'en put separer. Et dans toutes ces terribles catastrophes, par lesquelles passa l'infortunee famille de Louis XVI, elle fut toujours la, admirable de courage, et quelquefois d'une incomparable grandeur. Dans l'affreuse journee du 20 juin, quand mille piques etaient la menacantes et qu'un canon etait braque dans l'appartement du Roi, lorsque la foule, qui avait envahi les Tuileries, reclamait a grands cris la Reine: C'est moi s'ecria Madame Elisabeth, s'offrant aux coups elle-meme a la place de Marie-Antoinette.-Non; la Reine, c'est moi s'ecria Marie-Antoinette. Quelle lutte entre ces deux femmes Je ne connais rien non plus qui soit plus grand que la reponse de Madame Elisabeth au president du tribunal revolutionnaire, a cette question: Qui etes-vous?-Je me nomme Elisabeth de France, repondit-elle, tante de votre Roi. Voila jusqu'ou la saintete avait su elever cette nature. Son supplice fut tout ce qu'on peut imaginer de plus odieux. Louis XVI eut des juges, Marie-Antoinette eut un proces; Madame Elisabeth n'en eut pas: il n'y eut pour elle ni defenseur, ni temoins, ni jugement. Elle fut trainee a l'echafaud avec vingt-trois autres victimes, et exec"