ISBN-13: 9781522710851 / Francuski / Miękka / 2015 / 276 str.
Extrait LA MAISON DE L'OGRE Tout a fait au bord de la mer, dans un bouquet de pins, de tamarix que j'ai plantes il y a vingt ans, et qui sont devenus de grands arbres, se cache une sorte de cabane, de tonnelle, couverte, en guise de chaume, par des branches de notre grande bruyere blanche si parfumee; elle est ouverte du cote qui fait face a la mer, et comme fortifiee de ce cote par des yuccas et des agaves sous lesquels s'etend une pelouse de cette grande ficoide dont les fleurs, semblables a la reine-marguerite et plus larges qu'elle, sont, selon la variete, ou d'un jaune brillant sur un feuillage d'un vert gai, ou d'un rouge amaranthe, sur un feuillage d'un vert un peu cendre. Lorsque le vent vient du large, on y est fort expose au poudrin, et meme quelque lame vient baigner le pied de la cabane. A quelques pas au-dessous, nos bateaux, le plus souvent, sont mouilles dans un petit abri de rochers ou tires plus haut sur le sable quand la mer est mauvaise ou menacante. J'etais blotti dans cette cabane un des jours ou la flotte cuirassee et les torpilleurs sont venus faire une petite guerre dans la baie de Saint-Raphael. Ces vaisseaux cuirasses, qui semblent des monstres enormes, sont loin d'avoir le charme et la grace des bateaux de peche qui seuls d'ordinaire sillonnent une mer le plus souvent calme ou ridee par une douce brise-semblables avec leurs voiles blanches a de grands cygnes glissant sur l'eau.-Les gigantesques vaisseaux cuirasses rompent les dimensions et l'harmonie; notre baie parait plus etroite, les collines et les montagnes qui la bornent a l'ouest et au nord-ouest semblent moins elevees, et nos deux ilots de porphyre rouge ne paraissent plus que comme deux gros cailloux. Sur le sable, au pied du talus sur lequel repose la cabane, deux jeunes hommes etaient couches et devisaient ensemble: -l'un que je connais de vue etait un jeune professeur aspirant aux hauts grades universitaires, l'autre etait un marin qui etait venu en conge de convalescence se refaire dans sa famille a Saint-Raphael. -Que c'est donc beau disait le marin, -en designant les vaisseaux a son compagnon, -voici l'Indomptable, -voici la Devastation, -voici le Courbet et voici le mien, le Richelieu, sur lequel, apres demain, j'irai remonter a Toulon. Est-ce assez beau, assez chic ces grands cuirasses Jean Baptiste Alphonse Karr, ne a Paris le 24 novembre 1808 et mort a Saint-Raphael le 30 septembre 1890, est un romancier et journaliste francais. Biographie Alphonse est le fils du pianiste compositeur munichois Henri Karr. En 1832, a l'age de 24 ans, il debute dans la litterature avec son roman le plus celebre, Sous les tilleuls, qui lui valut son entree au Figaro. En 1836, il participe a La Chronique de Paris, fondee par Honore de Balzac, dont la parution ne durera que six mois, mais qui fut un joyeux intermede. Ami de Victor Hugo, il est un auteur dans la veine romantique. Son roman Histoire de Romain d'Etretat fait connaitre Etretat, ou il se rendait souvent. Par ses ecrits et son reseau d'amis (des artistes, des romanciers...), il contribue aussi a la reputation de Trouville et d'Honfleur. On peut meme le considerer comme l'"inventeur" d'une autre station balneaire normande, celle de Sainte-Adresse pres du Havre, dont il est le conseiller municipal de 1843 a 1849 et dont il fait le lieu de plusieurs romans. En 1840, au cours d'une visite au salon litteraire de Louise Colet, il fait allusion aux amours de la maitresse de maison avec Victor Cousin, celle-ci furieuse lui plante dans le dos un coup de couteau de cuisine. Blesse sans gravite, il ne porte pas plainte mais exposa le couteau sur le mur de sa chambre du no46 rue Vivienne avec cette inscription: Donne par Louise Colet...dans le dos. De 1839 a 1849, il publie une revue satirique: Les Guepes, dont il est l'unique redacteur, dans lequel il vitup