ISBN-13: 9781495941610 / Francuski / Miękka / 2014 / 102 str.
On a ecrit beaucoup de livres sur l'Inde; on a publie sur ce pays volumes sur volumes, mais les auteurs se sont avant tout preoccupes de l'immense empire en partie conquis par les armes anglaises, en partie achete par la Compagnie moyennant une rente viagere a des rajahs effemines et ignorants. Il est vrai que le vaste territoire, aujourd'hui administre par l'Angleterre, soit comme dependance directe, soit comme simple delegation, comprend une multitude d'Etats qui sont venus successivement fondre leur autonomie dans l'implacable creuset d'une societe de marchands de la Cite. Qu'adviendra-t-il un jour de cette domination trop absorbante ? Il n'est pas aise de le prevoir des a present. Cependant un examen attentif des populations et de leur attitude prouve d'une maniere irrefutable que nos voisins d'outre-Manche n'ont aucune racine dans le pays et que, eminemment aptes a prendre, les Anglais le sont beaucoup moins a se faire aimer. Ils ont d'ailleurs epuise l'Inde, autant sinon plus que ses rajahs dont l'avidite ne connaissait pas plus d'obstacle que de frein. Pierre Louis Honore Chauvet LE DEPART Nous etions alors au commencement de l'annee 1852. L'agitation produite par de recents evenements regnait encore dans les esprits, sinon dans la rue; plus d'un se sentait mal a l'aise au milieu de l'ordre nouveau. Un matin, je vis entrer chez moi l'amiral de Verninac; il m'annonca sans preambule qu'on venait de lui offrir le gouvernement de l'Inde francaise et qu'il avait accepte une mission qui devait lui permettre de consacrer les dernieres annees de sa carriere a des populations qui ont perdu beaucoup de leur ancien prestige, mais qui, au milieu des changements qui ont amene leur decadence, ont conserve une resignation et une bonte qu'on ne retrouverait point a un egal degre parmi les autres races placees dans des conditions identiques. L'amiral me demanda si je ne consentirais pas a l'accompagner. Rien ne me retenait a Paris. J'etais devore du desir de m'eloigner pendant quelques annees. Sans lien d'attache moral ni materiel avec la ville aux grandes tourmentes, sans parente capable de me retenir, ayant perdu l'espoir de me creer une position convenable en France, j'acceptai avec empressement la proposition de l'amiral, et, quinze jours plus tard, je recus l'avis officiel que j'etais nomme secretaire general du gouvernement francais dans l'Inde. J'avoue que j'eprouvai une vive sensation de plaisir en recevant cette nomination qui m'arrachait aux preoccupations de l'heure presente et a l'incertitude de l'avenir. J'allais donc reprendre la serie des peregrinations commencees par moi aux Antilles, en Amerique, en Afrique, et qui m'avaient laisse de si charmants souvenirs. Devant mes yeux se deroulait, avec toutes ses seductions, le merveilleux panorama du voyage que nous devions entreprendre pour nous rendre a Pondichery, chef-lieu de l'administration francaise. Que de choses a connaitre et a admirer dans cette route si longue mais si variee Malte, l'Egypte, le desert, l'Arabie, la mer Rouge, Ceylan, l'ile enchantee, puis l'Inde, terre sans cesse visitee et pourtant toujours nouvelle, grace a ses m urs, a ses coutumes et a ses habitants, temoignages irrecusables d'une civilisation anterieure de plusieurs siecles a la notre; pays de l'indolence et du reve, cadre immense ou se meuvent sans effort et sous leurs aspects les plus varies les contes feeriques des Mille et une nuits. L'amiral me donna rendez-vous a Marseille pour les premiers jours de juillet. J'arrivai une semaine avant le jour indique, comme un homme qui, pour ne pas manquer le depart, se condamne volontiers a l'ennui d'une longue attente. Je trouvai mon compagnon de route reuni a sa famille, qu'il emmenait avec lui. L'un des plus beaux paquebots des Messageries maritimes attend"