ISBN-13: 9781500154547 / Francuski / Miękka / 2014 / 148 str.
EXTRAIT: M. Bergeret etait a table et prenait son repas modique du soir; Riquet etait couche a ses pieds sur un coussin de tapisserie. Riquet avait l'ame religieuse et rendait a l'homme des honneurs divins. Il tenait son maitre pour tres bon et tres grand. Mais c'est principalement quand il le voyait a table qu'il concevait la grandeur et la bonte souveraines de M. Bergeret. Si toutes les choses de la nourriture lui etaient sensibles et precieuses, les choses de la nourriture humaine lui etaient augustes. Il venerait la salle a manger comme un temple, la table comme un autel. Durant le repas, il gardait sa place aux pieds du maitre, dans le silence et l'immobilite. C'est un petit poulet de grain, dit la vieille Angelique en posant le plat sur la table. Eh bien veuillez le decouper, dit M. Bergeret, inhabile aux armes, et tout a fait incapable de faire uvre d'ecuyer tranchant. Je veux bien, dit Angelique; mais ce n'est pas aux femmes, c'est aux messieurs a decouper la volaille. Je ne sais pas decouper. Monsieur devrait savoir. Ces propos n'etaient point nouveaux; Angelique et son maitre les echangeaient chaque fois qu'une volaille rotie venait sur la table. Et ce n'etait pas legerement, ni certes pour epargner sa peine, que la servante s'obstinait a offrir au maitre le couteau a decouper, comme un signe de l'honneur qui lui etait du. Parmi les paysans dont elle etait sortie et chez les petits bourgeois ou elle avait servi, il est de tradition que le soin de decouper les pieces appartient au maitre. Le respect des traditions etait profond dans son ame fidele. Elle n'approuvait pas que M. Bergeret y manquat, qu'il se dechargeat sur elle d'une fonction magistrale et qu'il n'accomplit pas lui-meme son office de table, puisqu'il n'etait pas assez grand seigneur pour le confier a un maitre d'hotel, comme font les Brece, les Bonmont et d'autres a la ville ou a la campagne. Elle savait a quoi l'honneur oblige un bourgeois qui dine dans sa maison et elle s'efforcait, a chaque occasion, d'y ramener M. Bergeret."